L’année 2003 se termine. L’Unesco a dédié l’année 2003 à Nasir-i-Khusraw, philosophe et poète persan (v. 1004 – v. 1077). Rattaché à la branche ismaélienne de l’islam chiite, il en exposa la doctrine dans des œuvres d’inspiration théosophique, notamment la Somme des deux sagesses.
Si nous avons pris la peine de retracer toute l’histoire de la doctrine des mondes spirituels dans l’Islam, tout particulièrement dans l’École d’Isfahan et dans le shaykhisme, et cela au risque de dérouter le lecteur et de perdre de vue les textes baha’is, ce n’est pas par simple souci d’exhaustivité, mais pour suivre dans les grandes lignes le développement historique de cette terminologie spirituelle. Il nous paraissait important que le lecteur se rende lui-même compte du monde intellectuel dans lequel vivait Baha’u’llah.
La société persane était alors une société imprégnée de sacré où les problèmes métaphysiques et ontologiques constituaient la base de la culture religieuse. Au fil des siècles, des théories de plus en plus complexes, de plus en plus sophistiquées, avaient été créées pour les expliquer.
Ces théories, d’abord fruits d’une longue tradition héritée du monde hellénistique, avaient servi de base à de nouvelles investigations métaphysiques fondées sur des raisonnements logiques assez semblables à ceux de la scolastique occidentale.
La théologie d’Aristote identifie le Amr au Verbe de Dieu (kalima) et à sa volonté (mashiyya) qui est elle-même décrite comme un intermédiaire entre le créateur et la première Intelligence; Amr en est donc la cause efficiente, et c’est pour cela qu’il est parfois appelé « Cause des causes ». Cette conception sera adoptée par la suite par les Ismaéliens et on la retrouve dans des ouvrages attribués, (à tort pour certains) à Nasir-i-Khusraw tel que le Khvan-i-ikhvan et le Zad al-Musafirin, en dépit du fait que ces ouvrages exposent des doctrines assez contradictoires.
Pour Nasir-i-Khusraw, le Amr est identique à l’acte créateur de Dieu (ibda). Cela le conduit à opposer dans son Jami’a al-Hikmatayn l’ensemble du monde physique au monde de Amr. Nasiri’d-Din Tusi, quant à lui, expose dans son ouvrage Rawdat al-Taslim une théorie de la connaissance divine où le Commandement figure l’apex noétique où les différentes facultés culminent dans une union entre elles et le commandement divin.
(Archéologie du royaume de dieu Par Jean-Marc Lepain )
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