Après les fabuleux concerts de Nusrat Fateh Ali Khan (de 1985 à 1996), Riswan et Muazam Ali Khan (janvier 1999) et Asif Ali Khan Manzoor Hussain Santoo Khan Qawwal and party (juin 2002), le Théâtre de la Ville présente un nouveau concert de qawwali. Badar Ali Khan a du pedigree : venant d’une famille qawwal depuis près de 600 ans, il eut comme grand-père un légendaire Dinna Jallundhri qui enregistra plus de 150 disques 78 tours. Son père, Mian Khan, s’était quant à lui brillamment approprié les marques de la panjabi ank, ce style qawwali caractérisé par la richesse des vocalises saregams, l’intrication de vers de différentes langues et la puissance du rythme.
Badar Ali Khan avec un ensemble qawwali
Mais Badar a aussi un percutant à-propos contemporain ce qui, dans le sillage de son lointain cousin Nusrat Fateh Ali Khan, le rend singulièrement apte à se fondre dans les ambiances les plus diverses de notre modernité. Certains des quelque 500 poèmes qawwalis que Badar interprète, ont été intégrés dans des films.
Tout comme Nusrat, cette incroyable flexibilité charme ou irrite, intrigue sans nul doute. Imprimant lui aussi une marque très personnelle à son qawwali, Badar s’est certainement éloigné de la forme et du cadre « traditionnels » de ces chants, initialement propices à la communion avec le divin et l’extase mystique des soufis. Mais n’accompagne-t-il pas ainsi les profonds bouleversements tant musicaux que sociaux d’une société pakistanaise aux prises avec notre si fracassante – et perméable – modernité ?
La réponse demeure au cœur de chacun de nous. Un maître soufi persan, Shihâbuddin Suhrawardî, nous rappelait, au xiiie siècle, que la musique ne faisait naître dans le cœur que les sentiments qui pouvaient déjà y séjourner. Quelles émotions surgiront des vocalises échevelées de Badar Ali Khan ?
Pierre-Alain Baud
THEATRE DE LA VILLE
2 place du Châtelet
Paris 4
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